Pecten Maximus est une œuvre d’art refuge qui s’installe le long du GR65, l’un des chemins de Saint-Jacques de Compostelle. Elle peut ainsi accueillir des marcheurs, pèlerins, habitants, le temps d’une nuit.
Le projet est né de plusieurs résidences à Limogne-en-Quercy, dans le Lot, où j’ai pu découvrir un territoire, rencontrer ses habitants, partager le quotidien de marcheurs. La rencontre avec Thierry Pélissier, géologue spécialisé dans l’étude des calcaires, fut marquante et m’a permis un voyage dans le temps. Limogne-en-Quercy se situe sur un plateau calcaire, au cœur du Parc naturel régional des Causses du Quercy – Géoparc mondial Unesco. Au Jurassique, il y a 170 millions d’années, une mer chaude était présente ici. De nombreux fossiles, dont des coquilles Saint-Jacques, en témoignent. Un ruisseau a creusé, il y a 3 millions d’années, la vallée sèche en contrebas du site choisi. Remontant le temps, il est possible d’imaginer que nous étions là sur un rivage.
Je me suis intéressée à la fois à ce saut dans le temps et au symbole du chemin de Compostelle depuis le Moyen-Age: la coquille Saint-Jacques. Pourquoi la coquille ? Mes premières recherches sont passionnantes. La coquille s’est baladée dans le temps, comme elle se balade sur les sacs à dos des marcheurs. Elle véhicule mille récits et croyances. Elle prouvait que l’on avait marché jusqu’à la mer, un peu plus loin que Saint-Jacques de Compostelle.
Aujourd’hui la coquille de la Saint-Jacques est un rebus et représente plusieurs milliers de tonnes de déchets par an rien qu’en France, dont on ne sait que faire. Pourquoi ne pas valoriser la coquille comme matière première de construction ? J’ai ainsi imaginé que mon refuge serait construit en coquille, elle qui semble omniprésente depuis la nuit des temps. Un refuge protège, c’est aussi un espace de rêverie. Le coquillage a ces propriétés. J’aime sa capacité à concentrer les souvenirs de vacances, de voyage.
J’ai commencé dès lors plusieurs mois de recherches sur la Saint-Jacques et la possibilité de construire avec. Des exemples vernaculaires marquants tels qu’une chapelle la Toja en Espagne ou des jardins comme Rosa Mir à Lyon me confirment cette faisabilité. La suite de mes recherches m’a mené jusqu’aux côtes bretonnes. Laurent Chauvaud, chercheur spécialiste au CNRS de Brest, m’a conforté dans l’utilisation de la coquille comme matière de construction, pour sa durabilité, sa solidité. Puis il a fallu rapidement expérimenter. Après plusieurs prototypes de mise en œuvre, la partie plate de la coquille servira à la toiture du refuge. Il reste la partie bombée dont il fallait trouver une utilité. Peut-être pouvons-nous inventer un béton de coquilles, avec un concassé de ce rebus ?
Plus de 15 000 coquilles ont été nécessaires pour construire le refuge. Il a fallu organiser la collecte et le nettoyage durant plusieurs mois. J’ai rencontré Julien Camus, un jeune pêcheur de Saint-Jacques en plongée à Saint-Malo, avec qui je suis partie en mer et qui m’a expliqué les modes de pêche. La sienne est durable, elle respecte les fonds sous-marins. J’ai ainsi pu prendre contact avec les restaurateurs locaux qu’il livre pour organiser la collecte des déchets de coquilles durant plusieurs mois, en Bretagne, mais aussi à Lyon et Limogne auprès de restaurateurs et poissonniers. Plus de 500 heures ont été nécessaires au ramassage et au grattage.
La forme du refuge s’inspire des charpentes Philibert Delorme présentes dans le territoire et évoque une forme de bateau renversé. La coque ventrue, féminine, est parfaite pour accueillir la vêture de milliers de coquilles, fine et délicate.
A l’extérieur, Pecten Maximus est recouverte de 8 000 coquilles créant un camaïeu de couleurs fauve, brune, rose, orange, violette qui dialogue avec subtilité avec la nature. A l’intérieur, un vitrail de coquilles orienté à l’Est permet une ventilation naturelle et laisse transparaître la lumière du matin, révélant la blancheur et la délicatesse de la nacre. De même, le petit auvent devant la baie vitrée n’est pas doublé de bois, jouant avec la transparence de la coquille. A la nuit tombée, la perception s’inverse et le refuge devient lanterne, laissant percevoir la lumière intérieure à travers son vitrail.
Au sol le dallage du refuge se compose d’un béton marin, inventé pour le projet, à base de 7 000 coquilles concassées. Il montre l’utilisation possible de la coquille sous une autre forme. Le résultat est très beau, rappelant les pierres incrustées de coquillages fossilisés.
A l’intérieur, une banquette en bois s’organise dans la périphérie du refuge, sous la coque de mélèze. On peut y dormir facilement à 4 personnes. Une grande baie vitrée s’ouvre vers une voûte d’arbres et sur la vallée sèche au loin. Le refuge est construit sur une plateforme légère sur pilotis qui s’adapte à la topographie du terrain en pente, pour venir s’installer avec légèreté sur le site, offrant une orientation vers le soleil couchant. La terrasse en béton de coquilles, en surplomb, permet de s’asseoir au bord pour profiter des derniers rayons, pour discuter, dîner ou boire un thé.
Lieu d’émerveillement, Pecten Maximus est prête à accueillir les curieux, les marcheurs, les habitants, les pèlerins. Sous sa voûte de coquilles, Pecten Maximus offre ainsi un voyage insolite dans le temps et les imaginaires.
Sur une invitation de
Derrière Le Hublot, scène conventionnée d’intérêt national ; du Parc naturel régional des Causses du Quercy – Géoparc mondial Unesco, maître d’ouvrage du projet avec le soutien de la Communauté de communes du Pays de Lalbenque-Limogne et de la commune de Limogne-en-Quercy
Conception Sara de Gouy
Construction Gaspard Lautrey / C-Cube
Avec un grand merci à tous les intervenants qui ont participé à fabriquer ce projet fou
Matériaux Ossature en CP bois et métal thermolaqué blanc, coque en bois de mélèze, dallage en béton de coquilles, revêtement de coquilles Saint-Jacques issues de déchets collectés en Bretagne, à Lyon et auprès des habitants du territoire.
Mission
Complète,
conception-réalisation
Date
Livraison 2023